Marcher, avancer lentement, pleinement… Cet été, j’ai repris un bout du chemin de Compostelle, el camino.
7 jours de marche avec le sac à dos sur des sentiers, à travers champs, forêts, vignobles, en passant par de petits villages, croisant l’un ou l’autre pèlerin, les habitants du coin… savourer les odeurs des fleurs, écouter le vent, les oiseaux, toucher un arbre, ses feuilles, caresser une fleur, cueillir des mûres, ….
Et avancer pas à pas, à un rythme juste.
Le temps se rallonge, le temps n’est plus qu’un concept, le temps prend une toute autre dimension. J’avais l’impression que cela faisait des semaines que j’étais ailleurs, voire “une éternité”.
Avoir le temps d’apercevoir la petite souris des champs qui s’enfuit dans l’herbe, la grenouille qui s’immobilise, le zoom des abeilles sur les fleurs. Sans oublier les petites chapelles ou églises romanes en chemin, où on respire le temps. Entre ces vieux murs, une certaine “éternité” se marie avec l’éphémère d’un bouquet de fleurs soigneusement déposé dans un vase près de l’autel.
Le bar de Mireille
Ce petit village par lequel on passe, et où le temps semble s’être arrêté dans le seul petit bar encore présent. On était presque passées à côté mais des voix sortaient d’une porte. A notre légère hésitation, une voix nous appelle “vous voulez de l’eau?!” Ce fut Mireille, la tenancière depuis plus de 50 ans de l’établissement. Elle devait avoir près de 80 ans. Un décor comme on n’en trouve presque plus, tables avec nappes en plastique coloré, le mur décoré avec une grande photo un peu jaunie d’une forêt, le billard dans l’autre petite salle. Quelques habitants qui lisent le journal local et un homme accroché au bar pour une courte pause. Mireille nous sert du café d’un thermos et elle remplit nos gourdes tout en posant les questions d’où on venait en tant que “pèlerines”. Nous sommes parties pour une conversation animée où Mireille nous raconte ses aventures avec d’autres pèlerins -en passant elle nous montre fièrement la coquille St Jacques qu’elle a fait placer en bronze devant sa porte. Elle nous raconte sa carrière dans le village. Jadis, avant d’ouvrir son bar, elle livrait aussi les journaux à domicile et connaît tout le monde.
Après ce bon moment et avant de reprendre le chemin et affronter la chaleur, je demande si je peux encore allez aux toilettes. “Suivez-moi”, dit Mireille, et elle me conduit par sa cuisine “d’une autre époque”, son lieu de vie principal, à travers le jardin où se trouve le wc. En partant elle nous donne encore quelques abricots de son jardin et c’est les remerciements et au-revoir…une minute après elle nous “court” derrière…”tenez, vous en avez peut-être besoin” et elle me donne mes batons de marche que j’avais laissés dans un coin.
Le soir, dans notre refuge de pèlerins, on rencontre quelques autres marcheurs. Là où nous marchions autour de 20 km par jour, ils “fonçaient” à 30 km par jour. Quand on s’échangeait sur nos journées, deux ont dit de ne pas avoir remarqué ce bar de Mireille, l’autre ne s’était pas donné le temps de s’arrêter…
Prendre le temps de prendre du temps…
Quel bonheur de prendre le temps, le temps de marcher, de s’arrêter, de s’émerveiller, de se laisser porter, de se ressourcer.
Si je le sentais déjà et le vivais déjà bien plus qu’avant, là, après ce périple, j’en suis d’autant plus impregnée: Ralentir, c’est rallonger le temps, c’est être pleinement vivant.
Et vous, quel est votre rapport au temps? Quand est-ce que vous vous sentez pleinement vivant? Que faites-vous pour ralentir, pour vous ressourcer, pour retourner “aux sources”?
Si le temps et votre rapport au temps vous intéresse davantage, il y a une émission bien intéressante à France Inter, à écouter ici: